J’ai mentionné récemment dans mon groupe d’écriture que je voulais écrire sur l’accommodement. L’un de nos membres m’a demandé ce que je voulais dire, alors je me suis dit que ce serait une bonne idée de définir le terme que j’utilise. Selon Merriam-Webster, l’accommodement désigne « l’acte d’accommoder quelqu’un ou quelque chose; l’état de faire l’objet d’un accommodement; adaptation, ajustement », ce qui comporte une notion de négociation ou de compromis. Il est souvent lié au fait d’être prévenant ou conciliant, peut-être par générosité ou par peur d’être rejeté (ou les deux). La nuance est subtile entre accommoder pour être conciliant et abriter de l’insatisfaction parce que l’on s’est montré trop conciliant (voir le blogue sur Faire plaisir ici).

Souplesse

Il y a un prix à payer pour ne pas être accommodant : cela laisse entendre que la personne n’est pas digne d’être prise en considération et que ses besoins ne sont pas aussi importants. Cela peut s’exprimer en rendant l’autre responsable des difficultés dans la relation, en poursuivant ses propres désirs sans tenir compte des intérêts de l’autre ou en insistant sur le fait qu’on a raison et que l’autre a tort. Le bien et le mal sont des sphères peu propices au compromis. Être accommodant exige une certaine souplesse, mais comme pour les articulations, on peut aussi être trop souple. Les personnes trop accommodantes risquent d’être difficiles à connaître réellement ou d’être exploitées. Être trop souple finit par déformer le système.

Déformer le système?

Un exemple facile à saisir d’une attitude trop accommodante est celui d’une personne qui, au lieu de déléguer, de dire « non » ou d’exprimer son objection, accepte un surplus de travail, par exemple. Imaginons qu’un collègue ou un superviseur lui demande de prendre du travail supplémentaire « parce qu’il est très occupé et qu’il y a du retard ». Conciliante, la personne accepte et trouve le moyen de le faire. En voyant cela, le superviseur ou le collègue a l’impression que la personne peut assumer le travail supplémentaire de façon régulière ou permanente. Sa charge de travail augmente. Lors de la prochaine période « occupée », il se peut qu’une autre demande soit faite. Le travailleur accepte à nouveau et est à nouveau en mesure d’accomplir le travail. Cela se poursuit jusqu’à ce que la personne ne puisse plus accomplir le travail et parte en congé de maladie ou démissionne. Le travailleur est alors remplacé par DEUX personnes, car la charge de travail est devenue trop importante pour une seule. Le travailleur, en se montrant accommodant, en acceptant du travail supplémentaire et en ne s’opposant pas ou en ne fixant pas de limites claires, a contribué à déformer le système et le superviseur a profité de cette déformation et, finalement, de la personne. Il faut être deux pour déformer le système.
La même chose se produit dans les relations intimes et plus distantes. Peut-être que la personne A accommode régulièrement la personne B, parce qu’elle a l’impression que les accommodements sont minimes ou qu’elle ne veut pas que la personne B soit contrariée, troublée ou perturbée. Par exemple, elle propose de préparer le souper, de nettoyer l’espace commun, de laisser passer un désaccord ou est généralement celle qui propose une activité. Si cela se produit régulièrement, la personne B peut ne pas voir la nécessité d’accommoder parce qu’elle est celle qui profite de l’accommodement. Les petits accommodements peuvent s’accumuler et prendre de l’ampleur. Le système commence à être déformé par ces accommodements, car la personne B les considère comme étant « la nature de la personne A » et vit très bien avec eux, parce que bien entendu, c’est la personne B qui reçoit les accommodements de la personne A. Il est facile de voir comment le ressentiment de la personne A peut s’accroître et devenir toxique, causant des dommages, peut-être irréversibles, à la relation.
Il est possible que la personne B ne se rende même pas compte que la personne A l’accommode, car les choses que la personne A considère comme importantes ne sont pas forcément celles auxquelles la personne B tient. Il est même possible que les accommodements aient l’effet inverse, c’est-à-dire que la personne B se sent infantilisée ou inadéquate d’une certaine manière. Par exemple, si la personne A est celle qui fait les observations (« Tu as laissé tes lunettes sur la table ». « N’oublie pas que ton rendez-vous chez le médecin est aujourd’hui. » « Je ferai le souper ce soir. » « C’est correct, je vais faire la vaisselle »), la personne B peut avoir l’impression que son autonomie est affectée, que l’accommodateur la considère comme incapable d’accomplir ces tâches.

Et si votre façon de montrer votre considération, ou d’être accommodant, est différente de la leur?

Et si votre façon d’accommoder est différente de celle de l’autre personne? Il est alors très possible que votre accommodement soit imperceptible pour eux. Et que se passe-t-il alors? Selon le contexte et la qualité de votre relation, vous pouvez prendre le temps de déterminer ce qui est significatif pour l’autre personne. L’utilisation des cinq langages de l’amour (paroles valorisantes, services rendus, moments de qualité, cadeaux et toucher physique), présentés par Gary Chapman dans les années 1990, peut être un bon point de départ. Si la plupart des gens « parlent » plusieurs de ces langues, beaucoup en ont une qu’ils préfèrent. Si votre ami(e) ou partenaire réagit mieux aux paroles valorisantes, mais que votre langue principale (et celui auquel vous répondez) est celui des « services rendus », le fait de parler de vos différences peut vous permettre de mieux comprendre l’autre. En vous exerçant à bien écouter (sans interrompre) et à observer attentivement l’autre personne, vous serez peut-être en mesure de discerner quels accommodements seront significatifs et utiles pour votre partenaire et de faire moins d’accommodements inaperçus, ce qui permettra de mieux équilibrer votre relation. La réciprocité est essentielle ici. Si une seule personne fait l’effort, la relation reste déséquilibrée.

Réciprocité

Si l’on considère l’accommodement comme une posture, la réciprocité de l’accommodement est la « contre posture ». Lorsque la personne A accommode la personne B, et que la personne B accommode également la personne A, l’équité est établie. Lorsque tous les membres d’un système s’efforcent d’être conciliants et de faire des efforts pour prendre en compte l’autre ou les autres, le système peut conserver la forme voulue.
Dans mon prochain blogue, je parlerai de l’importance de l’objection et de la façon de l’exprimer sans blâmer et de manière efficace.

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