Quand j’étais enfant, j’étais rarement malade pendant l’année scolaire, mais quand l’école était finie, pour les vacances ou pour l’été, j’étais malade : rougeole, oreillons, pneumonie! Il s’avère que je me porte mieux, mentalement et physiquement, lorsque je suis soumise à un certain stress, comme la pression quotidienne de l’école, par exemple. Ce genre de stress semble maintenir ma santé et mon état mental stables : sans lui, je m’effondre, je tombe malade, je me sens bizarre ou sans ancrage. Je ne suis donc pas surprise que les gens aient du mal à se libérer des contraintes avec lesquelles nous avons vécu pendant 18 mois. Les limites nous ont peut-être tenus en place, de sorte que lorsqu’elles sont enlevées, nous nous sentons un peu désancrés, mal à l’aise.
Enfin, nous avons le droit de se faire des câlins… ou de nous retenir. Enfin, nous avons le droit d’aller au cinéma, mais nous hésitons, restons à la maison et regardons nos petits écrans. Enfin, nous pouvons nous asseoir sur une terrasse avec des amis, mais nous restons sur nos balcons. Enfin, nous pouvons aller au restaurant, mais nous prenons un autre repas à la maison. Enfin, nous pouvons aller au musée, mais nous regardons un autre film sur Netflix. Le monde s’ouvre, mais nous sommes devenus craintifs, ou du moins hésitants, à faire des projets qui pourraient, une fois de plus, être rejetés par des forces indépendantes de notre volonté.
Et tant de choses échappent à notre contrôle! Les informations sur lesquelles nous avons fondé nos actions depuis le début de la pandémie ont été au mieux variables, souvent incohérentes, et au pire, carrément fausses. Quelle est la nouvelle consigne? Les masques sont obligatoires au cinéma. Au début, il n’y avait pas de pop-corn ni de gâteries, donc les masques étaient portés en permanence. Maintenant que le comptoir est ouvert (la nourriture représentant une grande partie des recettes d’un cinéma), les règles concernant les masques sont assouplies et vous n’êtes pas obligé d’en porter pendant que vous regardez le film. Est-ce de la science ou du capitalisme? Essayer de suivre les règles et la science est parfois un défi de taille.
Mais pour en revenir à la fin du confinement : comment faire ces premiers pas? Pour certains, il s’agit simplement d’abandonner ces habitudes nouvellement acquises (ne vous débarrassez pas tout de suite de ce masque et ne renoncez jamais à vous laver les mains, même si ce désinfectant pour les mains sent très mauvais !) Pour d’autres, il s’agit de réapprendre même les plus petites choses. Êtes-vous prêt à vous asseoir dans un bar? Dans le fond mal ventilé du bar ou seulement devant, là où la porte s’ouvre régulièrement? Vous saluez-vous avec un coup de coude ou osez-vous un poing-à-poing? Êtes-vous prêt à serrer les gens dans vos bras? Et qu’en est-il des « bises » (je vis après tout au Québec, où le baiser sur les deux joues a été difficile pour moi à apprendre et encore plus difficile à abandonner)? Avec ou sans masque? Ou pas de bises du tout ? Seulement avec certaines personnes et pas avec d’autres, en fonction de leur niveau de confort? Ou du nôtre?
Que faisons-nous de notre malaise, de notre peur de la contamination, de ne pas agir comme il faut? Lorsque la pandémie a commencé, nous ne savions plus quoi faire pour assurer notre sécurité et celle des autres. Nous nous sommes sentis déstabilisés, isolés, irritables, épuisés, anxieux et confrontés à de nombreuses autres émotions difficiles. La plupart d’entre nous se sont habitués, à des degrés divers, aux nouvelles restrictions. Certains ont trouvé une certaine paix en étant libérés de la pression de se conformer aux obligations sociales. D’autres se sont sentis isolés, déprimés, abandonnés. Pour beaucoup d’entre nous, le travail est devenu quelque chose que l’on fait à la maison et qui s’étend aux autres heures de notre vie puisque les lignes de démarcation ont été effacées. Tout a été légèrement ou grandement modifié.
Alors que nous émergeons d’un événement mondial que nous n’avions jamais vécu, comment pouvons-nous y apporter de la douceur? Nous ne pouvions pas nous attendre à être au mieux de notre forme pendant le confinement, alors pourquoi devrions-nous être au mieux de notre forme avec cette étrange réouverture au sein d’une réalité très différente? Comment nous pardonner, à nous-mêmes et aux autres, d’être entre-deux, de ne pas nécessairement être capables d’être calmes et élégants dans cette transition? L’une de mes pensées les plus utiles et inspirantes est un « mantra de bonté » : Cette personne fait du mieux qu’elle peut, avec ce qu’elle a en ce moment. Parfois, « cette personne », c’est nous.