« Surréaliste » est le point de départ : observer la sensation d’être dans deux réalités à tout moment et d’alterner entre les deux, un être à deux esprits. Des mondes parallèles : l’un dans lequel il ne se passe rien, où je vis une vie simple et remplie de sens dans mon bel appartement, aidant (du moins je l’espère) d’autres personnes par mon travail, rejoignant des amis virtuellement sur les nombreuses plateformes Internet, qui créent toutes une impression digne de la science-fiction que l’on évolue dans un autre monde (cette personne existe-t-elle réellement ou est-ce une invention issue de l’intelligence artificielle ou de ma propre imagination débridée?). Et dans cette vie simple se trouvent des contacts humains non virtuels : mes fils qui viennent souper dans une délicieuse tranquillité, l’homme qui offre du désinfectant pour les mains et des gants à la porte de l’épicerie  (parfois celui qui est prudent, poli et qui fait attention, parfois l’autre qui laisse tout le monde entrer sans distinction jusqu’à ce qu’il y ait trop de gens dans le magasin), je fais de petites sorties, comme des pique-niques au parc, un cours de salsa sans contact avec une personne que je connais à peine, mais que je pourrais vouloir mieux connaître. Comme c’est étrange de passer du temps avec eux et non avec ceux que j’aime!

Puis, il y a l’autre réalité, ce que nous lisons dans les journaux au sujet des différentes réactions dans le monde face à la pandémie : de vraies nouvelles, des nouvelles biaisées et des nouvelles totalement fausses. De nouvelles nouvelles qui révèlent que le virus se comporte d’une certaine façon, mais qui deviennent anecdotiques et disparaissent. Nous avons appris à présent à attendre jusqu’à ce que la nouvelle persiste un certain nombre de cycles de nouvelles pour voir si elle est vraie.  On se concentre uniquement sur les nouvelles relatives à la pandémie : on s’interroge sur sa transmission (en suspension dans l’air, par gouttelettes ou les deux?), sa durée de vie (qui varie grandement selon la surface, la température, l’humidité… la journée de la semaine?), ses principales cibles (les personnes âgées, sans contredit, les personnes ayant déjà des problèmes de santé, les enfants? Peut-être que oui, peut-être que non. Ils ne l’attrapent pas, ils ont autre chose, possiblement apparenté. Ils ne sont pas de bons « vecteurs »), les traitements (ridicules, plausibles, incertains), les risques de transmission, les précautions à prendre (fonctionnent-elles? avec un masque/sans masque?) et on est plongé dans les eaux troubles de l’incertitude. Mon esprit critique semble être devenu un outil inutile, mon instinct est tiraillé entre convictions et besoins, mon intuition se sent comme un enfant qui a tourné sur lui-même jusqu’à tomber au sol.

La seule issue et de passer à travers. Mon humanité a besoin de contact, d’intimité, de sécurité. Comment votre humanité traverse-t-elle cette tempête? Je fais semblant que le monde continuera à être comme avant. Je fais des projets pour l’hiver et le printemps comme s’ils allaient être comme les précédents : des promenades bras dessus, bras dessous avec quelqu’un, le mercure qui chute puis remonte tranquillement au fur et à mesure que la lumière revient dans le ciel, la neige qui fond, les bourgeons qui gonflent et éclatent, le travail et l’école qui reprennent leur cours établi. Je réalise toutefois que je dois être prête à abandonner ces projets en un clin d’œil s’il le faut. En attendant, je respecte les directives du gouvernement et je fais ma part pour protéger ma sécurité et ma santé, ainsi que celles de ceux qui me sont chers. En tant qu’adulte, je devrais être capable d’accepter l’ambiguïté associée au fait d’avoir à reporter la gratification de mes besoins de confort physique, sans pour autant nier que ce sont des besoins (pour moi et pour tout le monde). Je vous souhaite à tous d’être en sécurité et en santé, de corps et d‘esprit.

Categories: Introspection