En 2014, on m’a invitée à prononcer une conférence au congrès annuel de l’Association québécoise des intervenants auprès des personnes amputées (AQIPA) au sujet de l’Entretien motivationnel (EM). Il y avait près d’une centaine de personnes dans la salle, que des gens offrant des services sous une forme ou une autre à des personnes ayant subi une amputation. Je leur ai demandé : « Combien d’entre vous entendu dire que jusqu’à 75 % de l’efficacité de n’importe quelle approche de thérapie tient à la qualité de l’alliance thérapeutique? » J’ai vu 100 mains se lever. J’ai alors demandé : « Combien d’entre vous se sont fait enseigner clairement bâtir cette relation? » Aucune main levée. Zéro.
Même si on suppose qu’un pourcentage généreux de 10 % de tous les groupes ne répondent pas lorsqu’on leur pose une question et que ce nombre répondrait dans l’affirmative, cela représente une part désolante de 90 % des participants de ce groupe à qui l’on n’a pas enseigné cette compétence importante. Cet exercice répété partout au Canada et à l’étranger a obtenu des résultats similaires. Selon moi, c’est comme si on répétait (encore et encore) aux chirurgiens que la laparoscopie était le type de chirurgie la plus efficace, mais qu’on ne leur enseignait jamais comment la faire. Cela semble…inacceptable.
L’EM est une approche dans laquelle les gens sont considérés comme les experts en ce qui les concerne, les praticiens étant les experts du changement et des connaissances professionnelles qu’ils ont acquises. Cette approche est principalement axée sur le développement d’une curiosité respectueuse et sur la formation d’une solide alliance thérapeutique. Comment la formez-vous?
La première étape consiste à renoncer à l’attitude voulant que nous soyons l’« expert » par rapport à ce qui est bon pour la personne et lui convient le mieux. Il s’agit souvent d’une étape insécurisante qui soulève chez les praticiens des questions telles que « Alors pourquoi ai-je étudié toutes ces années? » et « Qu’est-ce que je suis censé faire? » La réponse à la première question est que vous avez étudié toutes ces années pour pouvoir apprendre ce que vous devez connaître pour être utile, mais on ne vous a pas enseigné une chose importante : comment créer cette alliance thérapeutique! Quant à la deuxième question, la réponse est que le plus efficace parfois consiste simplement à essayer de comprendre ce que les gens vivent, sans essayer de régler la situation. Pour ce faire, il faut faire preuve de retenue et être capable de tolérer un sentiment d’impuissance particulièrement inconfortable, sans perdre de vue le but à atteindre. Peu importe la préoccupation du praticien, elle n’aide en rien le client.
Une des meilleures façons de former une alliance avec les clients consiste donc à écouter attentivement, à essayer de saisir ce qu’ils veulent dire et de comprendre leur point de vue, bref d’aller au-delà des mots et de creuser sous la surface. L’utilisation de reflets (soyez à l’affût d’un article de blogue qui paraîtra sur les reflets) est un bon moyen de vous assurer que vous entendez bien ce que vous dit la personne. C’est le principal outil de l’écoute empathique exacte.
La majorité des praticiens œuvrant dans des professions d’aide étudient les reflets durant leurs études. Ce qu’ils apprennent habituellement se limite à une simple répétition ou à ce qu’on appelle parfois une reformulation de ce que la personne a dit. Ce type de répétition est utile occasionnellement pour s’assurer que le système auditif du praticien saisit ce que la personne dit et s’ajuste au langage de client, mais il est généralement trop superficiel pour refléter ce que le praticien comprend de ce que la personne veut dire. Le principal outil de l’écoute empathique exacte et de la formation d’une alliance thérapeutique est le type de reflet que le praticien effectue lorsqu’il prête attention et reflète au client le sens profond de ses paroles.
Voici certains types de reflets utilisés dans le cadre d’un EM :
- Refléter l’émotion sous-jacente d’un énoncé
- Refléter la valeur qui sous-tend l’énoncé du client
- Effectuer un reflet double lors duquel le praticien présente deux énoncés incohérents du client, avec un « et » entre les deux
- Continuer le paragraphe (ou aller un peu plus loin dans le fil de pensées du client)
- Dépasser ou amplifier l’énoncé du client
- Dépasser ou atténuer l’intensité de l’énoncé du client
- Appuyer l’énoncé du client
- Soutenir l’autonomie du client
L’utilisation de ce type de reflets incite souvent la personne à reconnaître verbalement qu’elle a été entendue et comprise, par exemple « Oui, c’est ça! » Si le reflet n’est pas exact, soit parce qu’il ne reflète pas tout à fait ou pas du tout ce que le client veut dire, la réaction la plus fréquente du client est de proposer une correction à l’énoncé du praticien. Lorsque cela se produit, la chose la plus importante que le praticien doit faire est de rajuster le tir et de s’aligner sur le sens exprimé par le client.
L’écoute attentive n’est pas une compétence facile à maîtriser, mais il est possible de l’enseigner et de l’apprendre. Suivre un cours sur l’Entretien motivationnel est une des façons de l’apprendre et de la mettre en pratique en recevant une rétroaction pendant et après l’atelier, ce qui constitue une manière très utile d’intégrer la pratique.